Renaissance

RENAISSANCE


       

       Je me tiens seul, sur le tombeau des siècles. La brise effleure le rivage, ma vue se perd dans l’horizon lointain, dans une mer couleur de souvenirs et de mélancolie. J’attends.
       J’attends, mais je sais qu’il est trop tard. Des années durant, j’ai espéré, et si tu avais traversé les flots, vêtue de lumière, je t’aurais reconnue, dès le premier regard.
       Mais tu n’es pas venue. Chaque jour, j’ai cru apercevoir au loin ta silhouette aux gestes diaphanes… Ce n’étaient que les reflets du soleil qui dansaient sur les vagues, qui aveuglaient mes sens égarés.
       Malgré toi, tu m’as condamné à l’enfer.

       Mon peuple a disparu, race insulaire dévorée par le mal. Je me suis réveillé auprès de mon roi défunt, parti lors d’une nuit sans étoiles. J’ai fermé ses yeux et coiffé sa couronne.
       La douleur est revenue, plus violente que jamais, arrachant sans cesse plus de forces à mon corps fébrile. Chaque seconde me rapproche inexorablement… de la fin.
       Je faiblis, chancèle, chute lourdement au sol. J’enfouis mon visage dans le sable froid, et je pleure. Je l’ai désirée, cette désillusion, résignation cruelle, pensant qu’elle mettrait un terme à ce rêve qui me tue. J’ai eu tort. Jamais je ne me suis senti aussi vide.
       Je ne quitterai pas ce monde dans la paix.

       Et soudain je te vois. Tu es là. Tu as traversé les flots, vêtue de lumière, toi mon idole muette… J’ai toujours su qui tu étais. Alors… Je suis libre.
       Confie-moi aux vagues, qu’elles me portent, dans leurs voiles, jusqu’aux confins de l’Univers, là où naissent les secrets. J’y tisserai ton image, et l’abandonnerai à la brume du soir.

       L’avenir se mue en éternité, je rejoins les miens, le cœur léger. Mon existence s’achève, et ici commence le bonheur.
       Car je suis de ceux qui touchent l’orage, subliment la vie, puis s’éteignent. Dans le silence, merveilleux silence…