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Papillon d'Acier

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AldreyNevermore's avatar
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                                                  PAPILLON D'ACIER


       Je suis un monstre. Je l’ai découvert dans un recoin de la vérité, en dévisageant mon reflet dans ce miroir amer qu’est le monde. Un miroir, plutôt un cachot de verre, qui m’emprisonne dans une spirale de mensonges et d’espoirs brisés.
       Lorsque je veux étendre ces serres terrifiantes qui ont pris la place de mes mains, ces doigts tordus et tranchants ne rencontrent que la paroi dure, et y laissent une trace sonore et sanglante. Peu importe. La pluie et les larmes effaceront ces rigoles écarlates.
       Enfin. Ces phalanges immondes sont tombées en poussière, et ce corps tout entier les suit dans l’oubli. Je suis prêt…  
       
       Je les ai observés, ces êtres palpitants, brûlants de vie. Je les ai observés, drapés dans mon mutisme, et j’ai envié leurs sourires, leur chaleur et l’insouciance de leurs gestes. Je les admirais tant…
       Puis j’ai voulu me mêler à leurs danses colorées, m’enivrer de leur suffisance, et bâtir mon paradis sur leur enfer. J’ai été un temps… leur roi. Je levais les sceaux de leurs secrets, je dévorais leurs rêves et leurs peurs, je me repaissais de leur faiblesse. Mais peu à peu, le piège s’est refermé… Leurs regards se sont tus, leurs promesses hypocrites m’ont asphyxié, et un châtiment prétendument juste a condamné mes actes.
       J’ai voulu porter l’amour ! Mais je l’ai brisé dans mon étreinte, petite chose fragile, et ses derniers fragments ont été balayés par des vents qui chuchotaient le mépris.
       Déjà le passé me rattrape : j’ai désiré, et cette ardeur m’a consumé. J’ai aimé, et je l’ai payé de mes jours. La douleur a appelé la honte, qui désormais perce ce crâne faiblissant, comme pour sucer la noirceur sourde qui s’y terre.
       Soudain, je veux m’extraire de cette prison. Mais l’égoïsme y a tissé mes chaînes. Un grand cri pense jaillir, mais je n’ai plus de bouche. Oh, comme je souhaiterais changer ce paysage immobile… Hélas, il y a bien longtemps que cette réalité m’a banni.

       Alors j’entends que ma poitrine éclate, et je sens qu’arrive la mort. Le néant, la fin de l’horizon. Et pourtant… Je suis moins terrifié par sa venue que par ces quelques secondes… qui me séparent d’elle.
       Une dernière fois la beauté s’approche et me contemple sereinement, moi l’animal en cage, moi le destructeur avide, moi le paria de son bonheur. Qu’elle s’en aille, je lui préfère les limbes… Je ne posséderai jamais son corps, et je suis le seul à blâmer.
       De ma lente décomposition ne reste que mon cœur, gangue de chair putréfiée. A présent il se brise, fendu par deux ailes acérées. Une créature sans nom s’en dégage, refoulant sans douceur les vestiges de mon être. Ses yeux aux mille facettes scrutent la lumière, ses longues antennes s’agitent, à la recherche… d’un ailleurs.

       Vole, engeance apocryphe, vole et trouve un autre univers ; celui-ci m’a rejeté, vomi hors de sa matrice. Vole, chaos noir de mes songes, vole… Je resterai à tes côtés, car tu es moi, et je suis toi.
       Etends tes vibrantes ailes noires, et projette-toi là où je n’ai osé aller…
       Toi le supplice de mes vœux, toi le purgatoire de mon âme…

                                           Toi mon papillon d’acier.
écriture - interrogations - dégénérescence - égoïsme - étrangeté - peur - amour - haine -vie - mort - ennui - doutes - et tout ce qui va avec. Bonne lecture !
© 2006 - 2024 AldreyNevermore
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Secular's avatar
J'aime autant le style que le fond.
Bravo!